• Gérer une classe à cours multiple : le ce1-ce2

    J’ai toujours eu une préférence pour les cours multiples ; depuis ma première année et mon stage en cp-ce1 jusqu’à mon affectation sur un ce1-ce2 plus de 10 ans après. J’ai l’espoir d’être nommée en classe unique dans les années à venir.

    Certes, les enfants suivent chacun leur programme, 2 niveaux de classe = 2 niveaux d’enseignement, il y a des temps d’apprentissage dirigés et des temps d’entrainement ou de recherche en autonomie pour les 2 niveaux sans aucun privilège.

    La présence de camarades d’âges différents réduit les rivalités, accroit le potentiel coopératif et solidaire de la classe et induit une meilleure ambiance générale.
    En classe, nous visons une cohésion du groupe pour l’ambiance, la solidarité entre élèves, la coopération dans le travail. Tout le monde doit se sentir intégré et l’enseignant vise des objectifs particuliers pour fédérer les deux niveaux.

    une organisation de l’espace

    Dans la plupart des ouvrages et articles sur la gestion du double niveau que j’ai pu lire, il est conseillé d’avoir des zones par niveau : un niveau = un espace+ un tableau réservé... je ne travaille pas comme ça, cela va à l’encontre du projet coopératif que je souhaite mettre en place. Mes élèves sont mélangés dans l’espace classe où ils sont rassemblés par équipe de 4 au sein desquelles ils sont associés en binôme de niveau et de besoin pour pouvoir travailler par deux le plus souvent possible.

    Pour favoriser l’autonomie, indispensable en cours multiple, j’organise des coins dans la classe, facilement identifiables et en accès libre sous certaines conditions explicitées dès le début d’année : bibliothèque fournie et moderne, postes informatiques avec missions définies, animalerie, jeux en solo (comme rush hour, maquette ou tangram par exemple).


    Si certaines zones sont figées (je me vois mal déplacer la bibliothèque au gré de mes envies de changement), l’espace reste très modulable.

     

    Gérer une classe à cours multiple : le ce1-ce2



    Tous ces dispositifs me semblent pertinents dans un cours double aux niveaux successifs. Je me reposerais la question dans un ce1-cm2 par exemple, où le mobilier est de tailles variées.

    des routines pour rendre autonome

    Dès le début d’année, il me parait essentiel de me montrer exigeante et explicite.

    Les élèves doivent savoir très vite répondre en autonomie à leurs besoins : ils apprennent à rechercher une information, à demander de l’aide à leurs pairs. Ils deviennent autonomes rapidement : ils intègrent l’emploi du temps très ritualisé, ils se montrent attentifs quand je m’adresse à eux, groupe classe ou groupe spécifique, ils connaissent leur responsabilité et les modalités d’exercice de celles-ci, ils savent utiliser les coins de la classe et surtout, ils connaissent les règles de prise de parole et de déplacement. Dans ma classe, on se déplace selon les besoins du travail et on ne parle pas à l’enseignant qui travaille avec d’autres élèves.
    Toutes ces compétences sont travaillées lors des premiers jours. Elles font l’objet de séances de pédagogie explicite jusqu’à ce qu’elles soient maitrisées. Une piqure de rappel à lieu occasionnellement, dans le courant de l’année.

    Les élèves de ma classe réapprennent à travailler en ateliers (à la différence de la maternelle, je n’organise pas d’ateliers tournants mais un atelier dirigé au moins deux fois par jour, auquel tous les élèves doivent se présenter à mon rappel et des tâches à exécuter en autonomie selon l’affichage). En effet, au début de chaque séance, je précise aux élèves que je voudrais voir tels ou tels groupes avec tel ou tel matériel. Le numéro du groupe ou le nom des enfants reste affiché. Ils doivent se tenir prêts, ils savent que dans quelques minutes je vais les rappeler selon l’ordre annoncé.

    Consacrer du temps à l’acquisition de ces méthodes de travail me semble indispensable et garantit le fonctionnement de la classe sur le long terme.

    ma position dans la classe

    Ces routines donnent des repères aux élèves. Ils doivent toujours connaitre ma position : disponible individuellement, occupée en atelier, avec un niveau de classe... Je les informe par repère visuel et sonore : j’utilise un time tracker pour les ateliers et mon emploi du temps est affiché en classe. Les élèves apprennent très tôt dans l’année à se passer de moi lorsque je suis en atelier, avec un niveau, ou en remédiation individuelle (PPRE ou autre dispositif).
    Il est primordial d’apprendre aux élèves à travailler calmement pour ne pas gêner leurs camarades et enfin de gérer leur temps libre d’où l’importance de la mise en oeuvre d’un plan de travail personnel et de coins en autonomie.

    Pour rester autonomes, je veille à la compréhension des consignes par tous les élèves : reformulation, affichage sous forme écrite et pictogramme. Parfois, l’exercice est commencé, les élèves poursuivent selon l’exemple. Des élèves référents sont nommés comme tuteur par exemple.
    Les exercices en autonomie ne doivent jamais poser de difficulté d’appropriation.

    des tâches en autonomie

    Ces tâches ne doivent poser aucune difficulté d’appropriation ; outre la consigne explicitée, le contenu de la tâche est réalisable par l’élève, et ce, pour diverses raisons :

    c’est un exercice d’application qui fait suite à une manipulation ou situation de recherche ou problème conduit en classe plus tôt.
    c’est une activité de recherche préalable qui sera suivie d’une mise en commun et d’une formalisation ultérieure.
    l’apprentissage en jeu appelle un entrainement, une remédiation, une consolidation, une mémorisation qui peut être pratiqué seul ou en binôme (tutorat ou partenariat) sans intervention de l’adulte.
    c’est un délestage assumé et transitoire entre deux tâches qui vise surtout le réinvestissement ludique.
    c’est une activité qui permet d’avancer sur un projet personnel (validation individuelle du b2i en ligne par exemple ou recherche et mise en forme d’un exposé...).

    Pour réellement fonctionner, les temps d’autonomie ne peuvent excéder 30 minutes. C’est une durée maximale pour des ce2.

    des enseignements spécifiques

    Les apprentissages distincts relatifs aux niveaux des élèves sont essentiels pour préserver leurs spécificités : je les maintiens en maths et en français. Des temps d’enseignement avec la classe entière permettront de faire vivre le groupe. Pour le domaines questionner le monde, travailler en groupe classe est possible à condition que les progressions des niveaux aient été pensées de manière spiralaire ou encore qu’une approche en projet soit proposée dans ce double niveau, comme par exemple le rallye carte-postale pour l’espace ou l’élevage pour les sciences.

    Par ailleurs, je fournis aux élèves, dès le début de chaque période, pour chaque niveau, la liste des compétences qui seront travaillées. Cette liste est passée en revue en fin de période pour que chaque élève puisse évaluer son niveau d’acquisition.


    des enseignements collectifs

    Il me parait indispensable de fédérer le groupe classe et cela passe entre autre par des enseignements dispensés à tous :
    les débats philo, les conseils de classe sont à la base de l’esprit coopératif que je tente d’insuffler en classe.
    • les ouvrages de littérature jeunesse étudiés en lecture suivie ou lecture offerte servent de point de départ à de nombreux travaux qui seront différenciés selon le niveau de lecture de chaque enfant plutôt que sur leur niveau de classe.
    • les poésies proposées, une vingtaine par an, sont les mêmes pour tous, libre à chaque élève de choisir celles qu’il va mémoriser et présenter en classe.
    • les activités artistiques sont communes
    • les activités sportives peuvent être proposées à toute une classe où les deux niveaux se suivent (évidemment, faire du handball en cp-cm2 sera compliqué).
    • les ateliers de manipulation de mathématiques visent la découverte d’une même notion pour les deux niveaux mais les exercices diffèrent. Il en va de même pour l’enseignement de l’étude de la langue (j’utilise faire de la grammaire en cours double, j’apprécie beaucoup ce guide).
    • pour questionner le monde, je programme des projets d’apprentissage en piochant à la fois dans la programmation de cycle des ce1 et celle des ce2. Cela me permet de couvrir en partie les deux programmations et de ne pas risquer de redondances pour mes ce1 qui passent en ce2 l’année suivante (par exemple, construction d’un bascule, rallye carte-postale, alimentation voire reproduction des animaux de la classe...). Les thèmes sont aux programmes du cycle mais je squeeze les manuels de l’école.

    Évidemment, l’enseignement commun en ce1 et ce2 est facilité depuis les programmes de 2016 où les deux niveaux ont été rassemblés en cycle 2.

    un emploi du temps pour différencier

    Je fais toujours coïncider les disciplines pour le ce1 et le ce2 : tout le monde fait grammaire en même temps, maths en même temps, même si le contenu diffère. Cela facilite la gestion du volume horaire et la mise en oeuvre de phase commune.
    De ce fait, mon emploi du temps est le même pour tous.
    Cela simplifie en outre la rédaction de mon cahier journal où je fais seulement apparaitre deux colonnes pour distinguer le déroulement de chaque séance. La plupart du temps, les compétences travaillées sont les même pour tous mais les objectifs diffèrent. Par exemple, en maths, tout le monde va travailler sur la décomposition des nombres en même temps ; les ce1 maitriseront 63 = 60+3 et les ce2 463 = 4x100 + 6x10 +3. Cela facilite la différenciation au sein de chaque niveau.


    exemple de séance collective dans le cahier journal

    Gérer une classe à cours multiple : le ce1-ce2



    exemple de séance par niveau de classe dans le cahier journal

    Gérer une classe à cours multiple : le ce1-ce2



    des préparations rigoureuses

    Le matériel nécessaire pour chaque journée est préparé à l’avance et disponible à l’instant où son utilisation est requise.
    Je dois savoir à chaque de la journée, quel groupe d’élèves je dirige et quel groupe est autonome. Les modalités varient au sein d’une séance de façon à rester dynamique en alternant phase écrite et orale ainsi que phase individuelle et de groupe mais surtout autonome ou dirigée. Je fais figurer cette alternance de modalités de travail dans le cahier journal et non à l’emploi du temps parce que cela change d’une séance à l’autre.


    exemple d’alternance de modalités de travail dans le cahier journal

    Gérer une classe à cours multiple : le ce1-ce2



    Une fois que la séance est bien ficelée, que les élèves connaissent les règles d’interventions, prise de parole et déplacements, le moment est venu de définir les tâches à accomplir librement en autonomie.

    Dans ma classe, les élèves ont des plans de travail en autonomie, des coins à destination spécifique en classe (animaux, informatique, bibliothèque, jeux...) mais ne peuvent pas les utiliser selon leurs envies et au hasard : par exemple, les plans de travail, c’est seulement le matin, les animaux seulement l’après-midi et toute ces règles sont affichées.
    J’ai un panneau sur lequel j’affiche les vignettes des tâches autonomes autorisées au début de chaque séance. Parfois, ces tâches sont ordonnées selon leur priorité.

    des tâches en autonomie

    Ces tâches ne doivent poser aucune difficulté d’appropriation ; outre la consigne explicitée, le contenu de la tâche est réalisable par l’élève, et ce, pour diverses raisons :

    c’est un exercice d’application qui fait suite à une manipulation ou situation de recherche ou problème conduit en classe plus tôt.
    c’est une activité de recherche préalable qui sera suivie d’une mise en commun et d’une formalisation ultérieure.
    l’apprentissage en jeu appelle un entrainement, une remédiation, une consolidation, une mémorisation qui peut être pratiqué seul ou en binôme (tutorat ou partenariat) sans intervention de l’adulte.
    c’est un délestage assumé et transitoire entre deux tâches qui vise surtout le réinvestissement ludique.
    c’est une activité qui permet d’avancer sur un projet personnel (validation individuelle du b2i en ligne par exemple ou recherche et mise en forme d’un exposé...).

    des outils faciles à utiliser

    Les affichages et reliures de leçons se doivent d’être lisibles de façon à devenir des référents pour les élèves. Idéalement, ils sont conçus collectivement et contiennent des repères visuels, schématiques et sensitifs de sorte que les enfants se remémorent leur contenu et la situation vécue lors de leur élaboration.
    Ces affichages concernent, outre les notions travaillées, des méthodes de travail, de présentation, l’utilisation des instruments, la lecture des consignes...
    Bien sûr, ils sont accessibles en fonction des besoins.

    des corrections utiles à tous

    Une correction efficace permet une meilleure différenciation.
    J’ai choisi de ne pas corriger les cahiers des élèves en direct. Mes élèves ne font pas la queue, passivement, devant mon bureau en attendant que je leur dise si le travail est réussi ou non.
    D’abord, je suis occupée avec un élève à besoins spécifiques, un groupe, un niveau... je ne souhaite pas être interrompue ; ces élèves avec qui je construis un savoir ou lève des obstacles à l’apprentissage, méritent toute mon attention.

    J'ai choisi d'éviter les corrections collectives, les élèves qui ont vraiment besoin de la correction ont tendance à s'effacer dans le grand groupe.


    Je corrigerai en fin de demie-journée.
    Je noterai, sur mon cahier journal, les élèves en grande réussite : les experts.
    Je listerai les élèves qui ont besoin de remédiation pour chaque compétence non maitrisée et j’ajouterai à leur plan de travail le type de remédiation (manipulation, jeu, exercice à reprendre seul, avec un tuteur...).
    Dans chaque cahier, je note une petite appréciation : «excellent», «revoir C4», «Il manque quelque chose au début de chaque phrase... qu’est ce que cela peut être ? »
    Chaque début de journée, je demande aux élèves de lire ces appréciations. Ils corrigeront dans la foulée, si corrections, il y a.


    Finalement, enseigner dans une classe à cours multiple ce n’est rien d’autre que différencier sa pédagogie : démarche qui consiste à mettre en œuvre un ensemble diversifié de moyens et de procédures d’enseignement et d’apprentissage pour permettre à des élèves d’âge, d’aptitudes, de compétences, aux savoirs hétérogènes d’atteindre par des voies différentes des objectifs communs. " (AUZELOUX)

    C’est, me semble-t-il, ce que tente de faire chaque enseignant, cours multiple ou non.

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